Annotée par le Père Biondi
C'est sur la base de cette note que le Père Biondi a étudié le sujet de "La survivance par delà la mort" et écrit le fascicule no 32 ci-dessus. Le PDF est cette note, mise en ligne sur le site BiospheraNoosphera et est accessible ici (doc pdf). La partie française en a été extraite et mise au bas de cette page.

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Fascicule en version PDF, Note inédite de Teilhard de Chardin: télécharger

mp3Ecouter la conférence "Dialogue avec l'Ange - Le Monde Nouveau et la Matière-Lumière", donnée par le Père Biondi à Paris le 29 mai 1985:

 


 

À PROPOS DE SPIRITISME :
OBSERVATION SUR LA SYNTHÈSE EXPÉRIMENTALE DE L'ESPRIT

(Les intertitres et parenthèses ont été insérés par le Père Biondi)

Pierre Teilhard de Chardin SJ
La défiance fondamentale éprouvée par certains dirigeants de l'Eglise pour les sciences, et plus par-
ticulièrement pour les sciences occultes, tient à ce que dans les progrès de celles-ci, ils voient une
menace à ce privilège que possède le christianisme de pouvoir seul introduire dans les zones
supérieures de l'esprit.
Tout à fait au fond de la recherche scientifique, les théologiens soupçonnent (et avec raison sou-
vent) un secret espoir d'arriver à se passer de Dieu, les hommes trouvant artificieusement, dans le
jeu des causes matérielles, le moyen de se libérer (béatifier) par leurs propres forces. Déjà la méde-
cine (surtout mentale) c'est à dire l'art de se guérir soi-même, sans passer par les aléas de la prière,
avait paru une atteinte aux droits du Créateur. Les prétentions des spirites à forcer les barrières de
l'au-delà, et à entrer en relation avec les âmes, aussi sûrement que nous téléphonons avec
l'Amérique, sont bien autrement intolérables à certaines religions.
Il me semble que dans cette question très grave de la conquête artificielle de l'esprit, comme dans
beaucoup d'autres, l'opposition entre Foi et Science n'est qu'apparente, et est due simplement à ce
que Savants et Théologiens tiennent, sans s'en douter, les deux moitiés de la vérité. Les hommes, je
mis essayer de le montrer, ont parfaitement le droit de chercher dans la matière, le moyen scientifi-
que de pénétrer plus avant dans les zones de la vie. Mais en revanche, s'ils veulent construire un
appareil complet de synthèse spirituelle, ils sont forcés par la structure – même du Monde, de
réintégrer graduellement parmi les facteurs physico-chimiques auxquels ils espéraient pouvoir se
limiter, tous les éléments exigés par l'Église pour la perfection intérieure: si bien que, finalement,
l'esprit synthétique n'est autre chose que le Saint.

[ L'ECTOPLASME DES MÉDIUMS ]

Pour esquisser la démonstration de cette thèse, je partirai des expériences (admises provisoirement
comme sérieuses) sur l'ectoplasme. On sait que certains médiums en transe peuvent émettre une
substance matérielle, palpable, photographiable, apte à prendre des figures diverses et à se rétracter
brusquement sous une impression trop vive. Rien de plus expérimental, en apparence, que ces faits,
rien qui ressemble plus, dans ses conditions de réalisation, à une banale expérience sur les radia-
tions. Et pourtant, nous le sentons obscurément, quelque chose n'est pas pareil dans une séance avec
Eva (5) ou Kluski (6) et dans une manipulation sur la Matière radiante. Entre les deux il se glisse une
différence qui se trahit clairement dans l'attitude très différente de la Science officielle vis à vis de
ces deux catégories de phénomènes. Quand Rôntgen eut découvert ses rayons ou Curie le radium,
tous les laboratoires se mirent immédiatement à répéter et à contrôler leurs expériences. Depuis des
années on parle de l'ectoplasme (7) , et les centres officiels de recherche se tiennent systématiquement
à l'écart de toute discussion et de toute vérification.


[ L'IMPLICATION PERSONNELLE
DANS LA PARAPSYCHOLOGIE ]

À quoi tient cette différence d'accueil faite à des révélations d'importance au moins égale, sur la na-
ture de la matière ? A mon avis, elle est due, non à la difficulté de se procurer un médium ou de le
surveiller, mais au sentiment confus que, dans une expérience sur l'ectoplasme, il ne suffit pas de
peser, de photographier, de mesurer, mais qu'il faut engager d'avance son assentiment, se donner en
quelque manière au phénomène, croire.

Une expérience sur les rayons X peut réussir automatiquement. Pour que l'ectoplasme se manifeste,
au contraire, il faut une sorte de désir, d'attente de volonté, émise par une fraction au moins des o-
pérateurs. Voilà, si je ne me trompe, ce qui risque d'empêcher longtemps encore, les expériences
spirites d'avoir accès dans les laboratoires académiques. Le spiritisme sera toujours pour beaucoup
de savants, une hypo-science, parce que, tout enregistrables que soient ses effets, il implique essen-
tiellement une espèce de pré-mystique ou de sub-mystique. Il est par construction et par nature,
imprégné de subjectif.

[ TENSION PSYCHIQUE ET EFFETS DE GROUPE ]

Eh bien, la présence inévitable de cet élément subjectif qui déconsidère irrémédiablement le spiri-
tisme pour certains esprits, est justement, à mon avis, ce qui devrait intéresser au plus haut point
quiconque essaie de comprendre comment se fait, dans la nature réelle, le passage des êtres d'un
degré inférieur à un degré supérieur de conscience et de vie. Ce qui extrêmement suggestif, dans les
expériences de matérialisation, c'est qu'elles fournissent un exemple de faits mixtes ou le complexe
physico-chimique, habituellement manié par les physiciens, s'enrichit, sous nos yeux, d'un terme de
plus: la tension psychique du médium et des assistants: ce terme étant irréductible aux conditions
d'expérimentation sur la pure matière, mais cependant mêlé si intimement à celles-ci qu'il devient
partie intégrante d'un même phénomène total (8) , phénomène mesurable et spécifiquement "nouveau".
On ne peut avoir de rayons X sans radium ou tubes à vide. On ne peut pas davantage obtenir
l'ectoplasme sans certaines dispositions psychoaffectives du médium. Un impondérable intervient
scientifiquement comme condition d'un pondérable tout nouveau. Nous sommes donc à une zone de
passage du matériel au spirituel, ce dernier se découvrant comme de l'ultra-physique.

[ L'ESPRIT: ÉTAT SUPÉRIEUR DE LA MATIÈRE ]

Par cette analyse des conditions nécessaires au succès des expériences spirites, nous sommes ame-
nés à comprendre que, d'une façon très générale, la fabrication artificielle de l'esprit ne saurait se
poursuivre longtemps avec des éléments physico-chimiques. Vouloir faire la synthèse du spirituel
sans quitter le plan des arrangements matériels du système nerveux, ce serait commettre l'erreur du
physicien qui espérerait augmenter indéfiniment la température de l'eau en la gardant fluide. De
même qu'à une température et à une pression données, l'augmentation de chaleur vaporisera irrési-
stiblement le liquide, de même une certaine complication supérieure des édifices moléculaires est ir-
réalisable sans que, parmi les affinités chimiques, s'introduisent des forces d'organisation vitale. Et
de même aussi, l'obtention d'une matière vivante, soumise aux influx de la volonté (ectoplasme) est
inséparable de la création d'un certain milieu intérieur affectif. Aucune variable dans la nature,
somme toute, ne peut croître indéfiniment sans aboutir à un changement d'état (8).

Prolongée dans son sens, l'œuvre de synthèse physico-chimique se charge invinciblement de vie
d'abord, et puis d'esprit. Son spectre, pourrait-on dire, s'enrichit continuellement de raies nouvelles.

[ LE CHRISTIQUE: ÉTAT HYPER – VITAL DE LA MATIÈRE ]

Cette loi d'enrichissement interne, imposée au fonctionnement de toute énergie concrète, a deux
compléments notables pour la solution du problème qui fait l'objet de cette note:

1) D'abord le caractère mixte des phénomènes spirites ne doit pas scandaliser les physiciens. Il est
normal que les états hyper-vitaux de la matière entraînent l'apparition de facteurs physiques appar-
tenant à un ordre nouveau.
2) Ensuite les communications spirites (pas plus que les progrès éventuels dans la connaissance et la
culture du cerveau), ne doivent pas inquièter l'Église dans sa foi en l'existence d'une zone de spiri-
tualisation réservée au Christ.
Mettons les choses au pire. Supposons que dans les phénomènes spirites, il y ait vraiment autre
chose que la communication du médium avec son subconscient, ou, ce qui revient au même, avec la
région où les vivants sont incomplètement séparés les uns des autres... c'est à dire imaginons que
dans les profondeurs de conscience où il descend, le médium rencontre positivement certains es-
prits, autres que ceux des assistants... [il est assez difficile de nier absolument cette rencontre, ob-
servons-le, sans compromettre la croyance de l'Église aux apparitions d'âmes, d'anges, etc...]. S'en
suivrait-il que les portes de l'au-delà soient artificieusement forcées? La religion tournée? Le Christ
sans utilité? - Pas le moins du monde .

[ LE VRAI MÉDIUM EST UN MYSTIQUE EN PUISSANCE ]

Il est bien remarquable que les communications des spirites avec l'au-delà semblent toujours li-
mitées à des relations avec des esprits d'une catégorie inférieure et bornée. Si on rapproche ce fait
de cette autre constatation que les médiums professionnels sont ordinairement des sujets médiocre-
ment recommandables, on est amené à penser que leurs relations avec les zones spirituelles du
monde sont fonction, non seulement de leur hyper-sensibilité, mais également de leur moralité.
Supposons par suite un médium de haute vertu, c'est à dire dont la médiumnité se développe sous
l'influence de sentiments et de passions élevées: il est vraisemblable dans l'hypothèse spirite que ce
médium va pouvoir entrer en rapport avec des esprits d'ordre supérieur.
Mais on le voit immédiatement: dans cet homme le sujet d'expérience est en voie de céder la place
au mystique. Le seul laboratoire possible pour étudier ses dons naturels, sera les vastes domaines ou
arrive à s'exalter l'activité humaine la plus noble, ou, au contraire la solitude où elle parvient à se
concentrer. La seule cause d'excitation possible pour ses facultés médiumniques (sera) une rencon-
tre avec quelqu'idéal ou le divin. Ainsi s'expliqueraient les cas, si étranges au premier abord, de
conversion au christianisme, par les chemins du spiritisme.

Il ya progression continue des expériences d'une Eva aux états de Sainte Thérèse. Ceux-ci sont le
terme obligé des accroissements de ceux-là. Le spiritisme, limité aux sphères amorales et a-
religieuses, est incapable de progresser. Pour le perfectionner dans sa ligne, il faut le sanctifier .
Poussé jusqu'à un certain degré, l'effort de synthèse intellectuelle, commencé sur des réactions
chimiques, poursuivi à travers des expériences spirites, vient se confondre avec le travail d'union à
Dieu.

[ CONCLUSION ]

Sans s'en douter beaucoup, l'Église fait donc, empiriquement, oeuvre de synthèse biologique.
Par toute son économie morale et sacramentaire, elle place l'homme dans les conditions favorables,
soit aux derniers perfectionnements de son système nerveux, soit à l'ultime captation des énergies
spirites.
Mais il faut bien noter ceci. De ce que la consommation de l'esprit demeure réservée aux influences
de la foi, il ne faudrait pas conclure que toute recherche sur la synthèse de La vie inférieure et la
production d'ectoplasme sont dénuées d'intérêt. Plus les degrés inférieurs de la vie seront connus et
artificieusement développés, plus les forces strictement religieuses auront un point d'appui solide
pour se poser. Pour que la religion prenne sur nous avec toute son urgence, il faut que sa discipline
se présente à nos yeux comme le plus scientifique des efforts que nous puissions donner.

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Notes du Père Biondi
5
Nota di p. Biondi - Eva C. : Femme médium qui se prêta, entre 1916 et 1918, aux expériences des métapsychistes diri-
gés par le Docteur GELEY (1865-1924) qui devint Directeur de l'Institut Métapsychique International à partir de 1919.
Médium très douée, Eva aurait suggestionné ses contrôleurs pour dissimuler des tentatives de fraudes. Des instan-
tanés au flash de magnésium ont néanmoins été publiées où Eva est en présence de visages ou d'images, de mains ou
de gants...
6
Nota di p. Biondi - Franek KLUSKI (1874-1944): polonais, écrivain et poète, doté de facultés paranormales exception-
nelles.
7
Nota di p. Biondi - Les parapsychologues actuels regrettent de ne plus trouver actuellement de médiums à apports
(ou ectoplasmes) comme sujets d'expérimentation. Ce n'est pas faute de médiums, mais les conditions des protocoles
de contrôle sont devenues telles que le médium pour s'y prêter devrait être un saint! Toutes les précautions prises
pour empêcher tout trucage démontrent que, dès l'abord, on soupçonne le médium de fraude. Qui aimerait travailler
en laboratoire officiel, dans de pareilles conditions?

8
Nota di p. Biondi - La tension psychique du médium et des assistants favorables aux résultats de l'expérience, sorte
de désir collectif, de Foi, dont il vient de parler, semblent à Teilhard les moteurs de l'effet espéré. Teilhard analyse
parfaitement les composantes complexes de cet acte nouveau de psychisme collectif, effet de groupe de ces parapsy-
chologues dont l'effort ressemble à une prière!